Du travail de fin d'études aux présentations publiques, le projet de Sophie Cocheteux-Depraeter ramène à la vie la mémoire de Jean-Marie Depraeter, né en 1927, qui fut pendant quarante ans ouvrier ajusteur à la SNCF, qui échappa le 2 avril 1944 au massacre d'Ascq, dans le nord de la France, et qui soixante ans plus tard est encore traversé par ce souvenir, alors même que la maladie d'Alzheimer a commencé son oeuvre. Mémoire en fuite, que sa petite-fille a eu l'impulsion de conserver. Enregistrer ses mots, ses chansons, son rire, filmer ce corps fatigué, ce visage dont le regard parfois s'absente. Interviews et jeux ont jalonné quatre mois de leur vie à tous les deux. Et ce grand-père s'est éteint, au printemps 2007, alors que Sophie préparait son jury à l'Insas, en section mise en scène. Son projet ne pouvait trouver écrin plus propice qu'une gare, de taille modeste et jolie comme celle de Watermael. Il y a, dans ce
Dernier concerto en appartement de Jean-Marie Depraeter (1927-2007), une voix qui fredonne et raconte, les témoignages d'un portrait posthume, des lumières distillées (Nelly Framinet), du son spatialisé (Laurent Gueuning), des images aussi (montage Aurélie Nolf). De l'atmosphère surtout, une vraie présence, une existence par bribes mais livrée tout entière, tandis qu'évolue, discrète, la silhouette de Sophie Cocheteux, et que passent, aléatoires, les trains dans le brouillard du soir. Une installation – des objets, des collections – complète ce premier travail empreint de générosité, d'humilité, de maturité. M.B.