Etrange expérience que cet «
Iceberg qui cache la forêt » de Virginie Thirion, qui vous donne agréablement la berlue. L’auteure et metteuse en scène nous trouble divinement la vue et l’oreille avec une pièce aux strates infinies. On connaissait l’écriture singulière de Virginie Thirion, depuis l’intimiste «
Rentrez vos poules » notamment. Un style unique confirmé ici avec talent, au fil d’une histoire qui pourrait être terriblement banale mais qu’un humour improbable, des détours sautillants et un mille-feuille d’angles de vues rendent hypnotisant.
A tous ces compartiments s’ajoute un délicat dédoublement chorégraphique qui achève de diffracter la lumière et de balader notre perception dans tous les sens.
Rien de glamour pourtant dans le démarrage de cette histoire d’amour : Lui, caissier dans un supermarché, surprend un sourire distrait sur le visage d’une jeune fille dans la file, ce qui provoque d’irrépressibles réactions physiologiques. Effet papillon : il finit par perdre son travail mais s’amourache de la jolie jeune fille. Née sous le signe du malentendu, leur relation se nourrit, à vue, d’illusions, de fantasmes et de non-dits. Tout un monde de faux-semblants que la chorégraphe Nadine Ganase traduit en parallèle. Comme un miroir face aux deux comédiens empêtrés dans leurs petites tempêtes quotidiennes, deux danseurs poursuivent leurs états d’âmes avec le corps, prolongement dansé ce qui ne peut être dit par les mots. On aime ces perspectives multidimensionnelles, mais on aime aussi surtout le texte de Virginie Thirion, joueur, cocasse, imprévisible. On oscille entre l’anecdote - kidnapping de caniche, photocopies coquines qui finissent dans les mauvaises mains – et la critique en filigrane d’une société obnubilée par le travail. Indescriptible tant il s’éparpille (savamment), «
L’iceberg qui cache la forêt » est à la hauteur de son titre : tout s’y dérobe constamment dans un kaléidoscope ludique et savoureux. C.M.
pour «L'iceberg qui cache la forêt».