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Le signal du promeneur

/web/photos/Signal_1.pngCe travail de fin d’études au Conservatoire de Liège (Esact)  a pris un bel envol, jusqu’à Paris (L’Odéon) et Avignon (La Manufacture). C’est que «Le Signal du promeneur», du Raoul Collectif, marie poétique et politique. Original à plus d’un titre, le spectacle est une réflexion jouée sur la société à partir d’individus «sortis du cadre» comme J-C Romand, vrai-faux médecin de l’OMS, Christopher MC Candless (Into the Wild de Sean Penn) qui, à 22 ans, brûle papiers et argent avant de s’enfoncer dans la nature… Comment s’orienter face au Système qui aliène? Sujet costaud pour un résultat détonnant d’inventivité, avec trois fois rien : un arbuste, des mottes de terre, quelques tabourets, des loupiotes, un piano dégingandé. Arte povera, sans vidéo, le spectacle repose sur les cinq comédiens, anoraks et bottes en caoutchouc,  dans une théâtralité qu’ils maitrisent, jouant du tribunal, de la distanciation, de la musique, du chant, citant Camus, Thoreau, Fritz Zorn, Rousseau, démarrant le spectacle par un profond silence… Sorti des sentiers battus, le Raoul Collectif file l’utopie sur un tas de ruptures, sans mièvrerie. Une prouesse rondement menée qui a déjà reçu les Prix du Jury et du Public du Festival Impatience de L’Odéon. Cette saison, le succès les porte tous azimuts du Centre Culturel d’Andenne au Théâtre de la Bastille à Paris, de Bruxelles à Kortijk via Mons… Incroyable aventure. N.A.

Le Signal du promeneur, création du  Raoul Collectif (Romain David, Jérôme de Falloise, David Murgia, Benoît Piret, Jean-Baptiste Szezot). En  coproduction avec le Théâtre National - Maison de la Culture de Tournai, et le KVS.  Reprise au National,   du 31 janvier au 9 février 2013.

par le «Raoul collectif».

Des gouttes sur une pierre brûlante

/web/photos/Des_Gouttes_sur_une_Pierre_Brulante_rs.pngDu cinéaste allemand Rainer Werner Fassbinder on connaît quelques chefs-d’œuvre violents et cruels, comme «Les Larmes amères de Petra von Kant» ou «Tous les autres s’appellent Ali». On connaît moins son théâtre. «Des gouttes d’eau sur une pierre brûlante», écrit à 19 ans est l’autobiographie théâtrale d’un jeune bi-sexuel sado-maso. Un texte fort, adapté au cinéma par François Ozon et porté à incandescence par la mise en scène de Caspar Langhoff, à peine sorti de l’Insas. Le pitch: un «jeune vieux» de 35 ans, Léopold, «accouche» les fantasmes homosexuels de Franz, un adolescent de 19 ans, amoureux d’une fille de son âge. A la drague initiale succède la décadence du quotidien, l’extension implacable du rapport de force que la composante gay accentue, mais sans caricature de type «cage aux folles». Le mérite de C. Langhoff est d’avoir trouvé le ton juste dans ce mélo et dirigé en finesse un quatuor emmené par Jean-Benoît Ugeux d’une cruauté cynique face à la tendresse impuissante de son jeune partenaire, Gabriel Da Costa, remarquable dans un rôle pas évident, celui de Frantz, tout comme Marie Luçon, sa compagne. Le lieu, confidentiel, L’Epongerie, atelier du peintre Arié Mandelbaum, ajoute au charme de l’ensemble. Caspar Langhoff a de forts chromosomes théâtraux : fils de Mathias Langhoff, vedette de l’avant-garde théâtrale franco-allemande des années 70 /90 et petit-fils de Wolfgang Langhoff, metteur en scène emprisonné en 1933/34 comme communiste par les nazis. Une belle énergie en devenir. C.J.

Des gouttes sur une pierre brûlante de R.W. Fassbinder, créé à l’Epongerie, 22 rue des Grands Carmes, Bruxelles. Repris à Liège, au Théâtre de la Place, en avril 2013.

de Caspar Langhoff

In vitrine

/web/photos/In_vitrine-Michel-Boermans.png1 heure 17 minutes 34 secondes. Voilà ce que dure le spectacle du collectif Rien de Spécial. Loin d'être des inconnus de nos scènes, Alice Hubball, Marie Lecomte et Hervé Piron ainsi réunis sondent le quotidien, interrogent la banalité, tout en détournant les codes de la représentation. Celle d'« In vitrine » justement sera scrupuleusement minutée : des surprises en cascade attendent Alice pour son anniversaire, selon un scénario bien établi – peu ou prou semblable, d'ailleurs, à celui de mille autres fêtes de cet acabit. En inventant cette ludique machine à avancer dans le temps, le trio réussit la prouesse de nous étonner sans cesse alors même que pourtant tout a été rigoureusement annoncé, dévoilé, défloré. Leur création marie une vraie noirceur, un subtil et persistant malaise, au pimpant de la fête. Avec une façon réjouissante – mais aussi glaçante : on n'en finit pas de s'y reconnaître ! - de se jouer des clichés, des conversations convenues, des aspirations matérialistes, de tous ces vides qu'on s'évertue à combler. L'artifice absolu rejoint le vrai d'une manière résolument inédite. C'est ainsi – et pas si souvent – que naissent au théâtre les formes nouvelles. M.B.

« In vitrine », création du collectif Rien de Spécial au Théâtre Océan Nord, en septembre 2011.

par le collectif «Rien de spécial»