Thomas Depryck

/web/photos/2013_Depryck_Thomas_aut.pngEt si la société avait tort après tout ? Moi, chômeur... sans emploi, pardon, j'ai décidé de me retirer de la course au job. Désormais, je serai réserviste. Comme à l'armée, je serai disponible si on a besoin de moi. Volontairement, je me mets en retrait de la course aux entretiens et formations. De plus, je rends service à mon pays. Je ne réclame rien puisque le marché du travail ne me réclame pas. En créant ce personnage pour le moins déconcertant, Thomas Depryck lance un grand coup de pied dans la fourmilière du contrat social actuel et retourne avec humour le « mythe » du chercheur d'emploi soi-disant paresseux. En se mettant volontairement de côté, son personnage assume d'être à la marge et fait de sa condition de réserviste un vrai statut social. Mais que l'on ne s'y trompe pas, la critique est d'autant plus acerbe envers un système qui pousse ses ouailles « parasites » dans une course sans enjeu. La mise en scène en escalier d'Antoine Laubin, son alter ego scénique, permet aux trois personnages de se jouer de la métaphore de l'ascension sociale dont ils définissent eux-mêmes les règles. Avec ses textes, Thomas Deprijck met au défi le metteur en scène, comme pour « Dehors » où improvisation et témoignages se mêlent : réécrire les règles du jeu, même si au bout du compte, la réalité retrouve ses droits à la sortie du spectacle. Dans la relecture de L.E.A.R qu'il nous propose cette saison (toujours avec Antoine Laubin), on nous dit déjà que Les Enfants n'Auront Rien… encore une fois. (N.N.)

Le Réserviste, d'après Thomas Deprijck, mise en scène d'Antoine Laubin. Production De Facto, Théâtre National, L’L – Lieu de recherche et d'accompagnement pour la jeune création (Bruxelles). Texte édité chez Lansman Éditeur / CED-WB / L'L

pour "Le réserviste"

Riton Liebman

/web/photos/2013_Riton_Liebman.pngComment grandir et tracer son chemin quand on vit à l’ombre d’un père exceptionnel, marxiste militant et célèbre professeur d’université qui parle sept langues et chante Mozart? C’est ce parcours, le sien, que nous raconte Riton Liebman, auteur, réalisateur et acteur belge dont les talents s’exercent surtout en France où il réside. De temps à autre, il revient au pays pour nous offrir un cadeau comme ce Liebman renégat, qui figurait parmi les Contes hérético urbains du Théâtre de Poche. Enfant nourri aux manifs, à l’Internationale et au Drapeau Rouge, l’adolescent Riton se rebelle et, signe des temps, passe de hippie flower à punk désinvolte dont le slogan no future a de quoi faire frémir son fervent révolutionnaire de père. Et pourtant, une conviction continue à les lier, au-delà de la mort et des divergences idéologiques : leur soutien au peuple palestinien, tout juifs qu’ils soient. Riton Liebman nous livre un hommage touchant à son père trop tôt disparu ainsi que, en filigrane, un témoignage sur une époque où l’on osait l’engagement et le discours politique. Mais l’humour l’emporte sur la nostalgie, et l’on sourit aux anecdotes, au ton ironique et tendre, au talent de conteur de Riton Liebman. Enfin ce texte trouve en l’auteur lui-même, faut-il le dire, un interprète idéal même si sa théâtralité, son humour délicat et l’universalité de son propos (les relations père-fils) pourraient s’incarner en d’autres acteurs.

Liebman renégat, de Riton Liebman, mise en scène d’Olivier Coyette. Création au Théâtre de Poche.

pour "Liebman Renégat"
elu

Guy Dermul - Pierre Sartenaer

/web/photos/2013_Sartenaer-Dermul_aut.pngComment faire du théâtre un sublime canular. Comment traverser le XXe siècle en un kaléidoscope ludique construit autour d'une énigme. C'est l'étonnante idée de Guy Dermul et Pierre Sartenaer dans It's my life and I do what I want, sous-titré La brève histoire d'un artiste européen du 20e siècle. Car il s'agit de retracer le destin mouvementé d'un dramaturge que la postérité n'a pas retenu : Willem Kroon. Né à Rotterdam et censé vivre aujourd'hui aux alentours de Sarajevo, cet illustre inconnu aurait côtoyé les plus grands, dont Samuel Beckett et Jerzy Grotowski, participé à l'émergence du mouvement Arte Povera, et peint des monochromes noirs à la place de Soulages. A en croire la pièce, le XXe siècle serait passé à côté d'un de ses plus grands génies. Finalement, peu importe que le personnage ait existé ou pas, Guy Dermul et Pierre Sartenaer nous présentent un Willem Kroon à leur manière et on l'adore ! Ce que l'on aime plus que tout, c'est l'ironie puissante, formidablement détachée, qui ne quitte jamais nos deux comédiens, au fil d'un exposé faussement académique, projecteur et documents écrits à l'appui. Entre des extraits vidéo d'une pièce de Grotowski sur l'Holocauste, la lecture des correspondances sarcastiques de Beckett, des bandes sons de la BBC jouant avec l'absurde et la syntaxe, les deux comédiens résument le théâtre pauvre et le théâtre de l'absurde avec affection mais surtout un humour impitoyable. C.Ma.

It’s my life and I do what I want, créé au Théâtre Les Tanneurs. Une coproduction des Tanneurs et du KVS.

pour "It's my life and I do what I want"