Le parcours de Guillemette Laurent – formée à l'Insas, régulièrement assistante d'Isabelle Pousseur, cofondatrice du Colonel Astral avec Marie Bos, Estelle Franco et Francesco Italiano – est fait d'ombres et de lumières, de transmission et de participation. De regard, d'écoute et de dialogue, d'acuité et de porosité. Précieuses et humbles qualités d'une metteuse en scène réinventant ce rôle singulier et essentiel : se placer au service d'une œuvre, d'une écriture, d'une lecture, d'une interprétation. Voire, dans le cas de « La Musica deuxième », d'une partition pour deux acteurs.
« Il s’agira de faire entendre les ruptures stylistiques, assumer l’attirance pour les romans à l’eau de rose, et traquer la violence sourde des mots de Duras. Jouer de la rupture, du contraste », indiquait-elle pour cette création en accueil en résidence à l'Océan Nord. Et c'est bien ainsi que, avec Catherine Salée et Yoann Blanc dans les rôles d'Anne-Marie Roche et de Michel Nollet, elle livre de « La Musica deuxième » une lecture vertigineusement juste, ample et humble, empreinte de cette pureté presque douloureuse charriée par la plume de Duras.
Sous ce regard et avec ces brillants interprètes, finement dirigés, le théâtre s’offre à la force de la littérature, à l’émotion sans fard, à l’ordinaire de la vie magnifié par l’intelligence dramaturgique.M.Ba.
La Musica deuxième, de Marguerite Duras
Mise en scène de Guillemette Laurent (Le Colonel astral)
Créé au Théâtre Océan Nord
Reprise : le 19 décembre 2017 à Bozar (Bruxelles)
de Marguerite Duras Mise en scène de Guillemette Laurent (Le Colonel astral) Créé au Théâtre Océan Nord Marie Reprise : le 19 décembre 2017 à Bozar (Bruxelles)
C’était la perle noire de la saison. Un travail minimaliste ultra raffiné orchestré par le metteur en scène David Strosberg qui décidément a l’art du bon choix singulier (texte, interprètes, scénographes, créateurs lumières, etc.). Qu’on se souvienne de Schitz d’Hanokh Levin ou encore Et avec sa queue, il frappe ! de Thomas Gunzig, pour n’en citer que deux de ses spectacles-tubes. Mémorable ! Chaque fois un style épuré, des spectacles sombres et truculents sur la condition humaine, la famille, l’individu, le monde. Ici, il nous offre un texte d’une jeune auteure hollandaise primée, Esther Gerritsen. La trame : une femme est morte. Trois hommes de sa vie – le mari, le fils et le frère – se retrouvent pour préparer l’enterrement et autres deuils. De quoi déployer une partition à trois voix douloureuses, nerveuses, sensibles, pudiques, cocasses, acides et toujours au bord de l’incommunicabilité (masculine) des sentiments. Sur scène : un carrelage sombre, en petites fissures, luisant comme un filet de larmes répandu, deux chaises et des lumières ciselées sur trois pointures : Philippe Grand‘Henry (le mari), Vincent Hennebicq (le fils) et Alexandre Trocki (le frère) qui est un super-héros de métier ! C’est qu’il débarque en espèce de justaucorps blanc, assez carré, avec un grand « S » sur la poitrine… De quoi nous rappeler que David Strosberg a toujours avec lui de l’insolite allumé, lui, le metteur en scène pointu qui va à l’essentiel. Dans Le jour, et la nuit, et le jour, après la mort, on reste subjugué par sa mise en scène incisive qui réussit avec brio le ton juste de la sincérité où, le jeu, le geste, le regard, les intonations, les silences, les emballements sont posés avec délicatesse sous l’humour du désespoir pour parler des humains. Impressionnant.
En octobre, il ouvre la saison du Théâtre les Tanneurs qu’il dirige avec sa nouvelle création, sur un texte de Thomas Gunzig : Encore une histoire d’amour… N.A.
Le jour, et la nuit, et le jour, après la mort d'Esther Gerritsen Mise en scène de David Strosberg Créé au Théâtre Les Tanneurs
d'Esther Gerritsen Mise en scène de David Strosberg Créé au Théâtre Les Tanneurs