On croyait Tchekhov simplement indémodable, Christophe Sermet le rend glorieux et déchirant avec ce
Vania ! monté pour le Rideau, au Marni, dans une traduction neuve de Natacha Belova, une scénographie habile de Simon Siegmann et une distribution vitale où, autour de l'impétueux Vania de Philippe Jeusette, scintillent en polyphonie Anny Czupper, Francesco Italiano, Sarah Lefèvre, Sarah Messens, Pietro Pizzuti, Yannick Renier et Philippe Vauchel.
De l'originel “Oncle Vania” s'effacent le pittoresque, l'ornement, au profit d'une version plus directe et quotidienne, qui pour autant n'esquive aucun des sentiments qui l'émaillent, ni ne veut à tout prix être d'aujourd'hui ; elle avance dans cette éternité qui nous lie à l'auteur. Elle nous parle, fredonne et ose se taire, elle soupire et rugit. Limpide sans simplification, elle assume sa source et son envol.
Outre le texte neuf, l'écriture vit sur le plateau même, dans l'instant de la représentation et les échos qu'elle laissera, dans le jeu si plein de vie et de désarroi et de drôlerie qu'il parle directement aux tripes et vous gonfle le coeur d'émotions vives.
Choral, musical – embrassant en cela l'esprit de l'auteur –, mais sans chaises longues ni petites tables à thé, à rebours du naturalisme où Tchekhov est souvent cantonné,
Vania! développe un
“petit enfer campagnard” où sous la banalité apparente de l'existence tout dérape insidieusement. Christophe Sermet s'est attaché à rendre palpable le juste équilibre entre l'humour et la tragédie, entre envies de mort et pulsion de vie. Sa réussite a de l'ampleur et de la finesse : le surprenant pouvoir des giboulées. M.Ba.