Guy Cassiers dirige depuis 2006 le Toneelhuis dans sa ville natale, Anvers, là où ses études le menaient aux arts graphiques : source de cette signature plastique et multimedia fascinante désormais inséparable de ses mises en scène ? L'homme se confronte comme nul autre à la démesure des grands textes littéraires dont Proust, Musil, Mann, ou Virginia Woolf, Tom Lanoye et Erwin Mortier. Avec eux, et en humaniste, il interroge l'art et le pouvoir, l'identité complexe de la Belgique en miroir des relations humaines, des tourments des êtres. Ainsi en est-il de ces
Passions humaines, d'Erwin Mortier, texte foisonnant autour de la commande par Léopold II à Jef Lambeaux du fameux marbre des Passions humaines. Cassiers, en formidable directeur d'acteurs, y mêle comédiens flamands et francophones, jonglant des deux langues à l'unisson d'un jeu où le corps dit autant que le mot. La scène, impressionnante, est divisée en deux étages, recréant par la video les serres de Laeken (autre commande de Léopold II). En haut, le roi, sa maîtressse et Horta. En bas, des journalistes, des intellectuels, un anarchiste, des hommes et leurs femmes enchassés dans de petites alcoves. Des panneaux coulissants permettent la fluidité, la simultanéité des scènes et le regard du roi sur ce « petit » peuple. En fin de parcours, la mer tourbillonnante de corps sculptés devient chairs mouvantes, comme aspirées dans le relief de Lambeaux, un artiste que l'on découvrira seul, dans sa simplicité, devant son oeuvre et dans un monologue superbe sur l'art de la sculpture. Un spectacle inouï qui est aussi un acte politique. M.F.