Le spectacle avait de bons atouts : le texte et la mise scène signés de l’imparable Ascanio Celestini, l’interprétation par le talentueux David Murgia. Leur
Discours à la nation est un bijou de sociologie politique truculent, sorti des sentiers battus, truffé d'anodines histoires, écrites comme une partition musicale, avec couplets et refrains. Première réussite avec un texte qui sautille et passe (faussement) du coq à l'âne. On y parle de guerre et de pluie, de Gramsci et de Lybie, des putes de la Volga, de la fabrication du pain et de la faillite des entreprises ... où Celestini peut évoquer le déterminisme social avec l'histoire d'un homme qui possédait un parapluie (probablement depuis des générations) et un autre qui n'en possédait pas (probablement depuis des générations), tirant ouvertement sur nos sociétés démocratiques, avec ses dominants/dominés. Déjà décoiffant en soi. Autre réussite de l’aventure : David Murgia qui a relevé brillamment le défi de ne pas faire du Celestini, injectant sa propre vitalité au texte, en jouant la parole, plus d'une heure durant, en déplaçant quelques cageots et loupiotes, se posant sur une tribune improvisée, se limant les ongles ou encore s'entrainant à discourir, ce qui nous vaut une scène hilarante démontrant la fabrication séductrice des discours politiques. Une vraie prouesse d'acteur accompagné par Carmelo Presticiacomo, guitare basse et lunettes noires, qui gratte sur cette parole folle, s'arrête sur son pic, reprend au fil des discours de David Murgia, qui se déplace, allègre, sans fausses notes dans un texte ardu, drôle et politique. A raison, le succès populaire s’est vite enclenché. A Avignon, il a remporté le Prix du Public off ! Avec une belle aventure parisienne en perspective pour l’automne 2014.
D'Ascanio Celestini