Un mille-feuilles fascinant – poétique, psychanalytique, et plein d'humour, qui traverse l'univers des contes (dits) de fée et en élimine les clichés pour nous tendre un miroir, à nous, adultes et enfants. Après «
Le petit chaperon rouge» et «
Pinocchio», Joël Pommerat, artiste associé au Théâtre National, y a créé une
Cendrillon bouleversante, avec des comédiens de chez nous, réinventés, dont Catherine Mestoussis, Caroline Donnely, Alfredo Canavate et une Deborah Rouach époustouflante, Sandra (Cendrier, Cendrillon...). Obstinée, impertinente, fragile, elle se malmène et s'empêche de vivre parce qu'elle a mal compris les derniers mots de sa mère mourante et se croit dépositaire de sa mémoire.... Et pour ne pas oublier d'y penser, elle a à son poignet, une énorme montre qui sonne toutes les 5 minutes : un gag et une tragédie ! Ainsi Pommerat décrypte-t-il les liens entre le deuil, le chagrin et la culpabilité, la méchanceté, celles qu'on subit, celles qu'on s'invente. Toute l'enfance forte et fragile, insondable, y est tapie et incarnée dans une foule de détails, visuels et sonores, qui s'appuient sur les éléments narratifs du conte et leur donnent chair et relief, tantôt drôles (une fée hilarante presque nulle en magie), tantôt angoissants (les oiseaux qui se fracassent sur la verrière...). Comme dans tous ses spectacles, avec les lumières et la scénograpĥie de l'inestimable Eric Soyez, Pommerat crée un plateau à la fois dépouillé et extrêmement sophistiqué, où chaque tableau surgit du noir, dans une fluidité d'amosphères dont il a le secret. Une «
Cendrillon» inoubliable, à la beauté cruelle et mystérieuse. M.F.