Ayant étudié la danse au Japon puis en Europe – à Amsterdam, Arnhem, Montpellier et Bruxelles (où elle se forme aux arts du cirque et de la scène à l'Espace Catastrophe) –, Uiko Watanabe a été interprète notamment pour Philippe Decouflé, Pierre Droulers, Maria Clara Villa Lobos ou Meg Stuart, mais aussi côté théâtre chez Sofie Kokaj et Armel Roussel.
Chorégraphe et danseuse, elle signe la trilogie
Food Story, puis
Hako Onna (
La Femme-Boîte). Cette artiste hors du commun construit à travers ses propres pièces un univers personnel. Qui parle du Japon sans jamais s'y résumer. Qui porte sur les choses un regard décalé, poétique, sensible, parfois étrange, comme empreint d'une insondable et lumineuse naïveté derrière laquelle seraient tapis des mystères. Adepte du
“théâtre abstrait et de la danse concrète”, Uiko Watanabe en donne un nouvel exemple avec
Oshiire – du nom d'un placard traditionnel à portes coulissantes, où les familles japonaises rangent objets usuels et souvenirs, où aussi les enfants peuvent se cacher, ou être enfermés en guise de punition. Ainsi l'
oshiire est un mystère familier, un cocon, un danger, un symbole.
“Pourquoi les autres ne sont pas comme moi ?” écrit à huit ans une petite écolière dans une rédaction.
“Plus personne ne m'appelle jamais par mon prénom”, déplore sa mère, prisonnière de ce rôle comme de celui d'épouse ou de professeur.
Oshiire, c'est l'histoire d'une enfant pas comme les autres, d'un divorce ordinaire, d'un duo fusionnel et toxique entre une fille et sa mère. C'est l'histoire d'une chute vers le néant, d'un sursaut, d'un départ. C'est une histoire déchirante et délicate, une épure où étincellent des fulgurances. C'est aussi l'option forte qu'a prise Uiko d'interpréter son propre rôle et de confier celui de sa mère à Vincent Minne, formidable acteur qui évacue dans les cinq premières minutes tous les clichés de l'homme jouant la femme, pour épouser le propos avec retenue. L'audace à l'assaut de l'intime. M.Ba.