Haïku chorégraphié sur gazon, voici un Alibi qui vaut de l’or, un Fujio Ishimaru en grande forme. Présent sur la scène jeune public depuis la fin des années 80, le mime, comédien danseur japonais n'a cessé de souffler un vent orientaliste sur le théâtre pour enfants. Dans Alibi , sa voix off accompagne ses pas élégants. Il avance, en costume gris souris et pose sa mallette. Perdu, rêveur, l'homme s’assied et la fraîcheur de l’herbe transparaît. Il a choisi de vivre l’instant présent, d’arrêter la course du temps. Rêve-t-il ? Coiffée à la garçonne, Sophie Leso, blonde comme le soleil d’Orient, arrive, en costume gris souris, elle aussi, chaussée d’escarpins rouges. Son double féminin, son yin, sa conscience, son autre… Libre à chacun d’interpréter leur gémellité.
Quelques origamis pour construire ici un oiseau, là des voiliers, véhicules d’une pensée au loin. Collés serrés, jambes entremêlées, les deux danseurs esquissent des mouvements, amples ou précis, mêlent leurs jambes et troquent leurs chaussures. Sourires, joies et jeu se glissent dans cette écriture minimaliste, à la Murakami. Discrètes aussi, les musiques de Nicolas Arnould, Tom Waits et Sigur Ros accompagnent ce diamant pur du Théâtre de l’E.V.N.I. L.B.
Alibi, création Fujio Ishimaru, Sophie Leso et Nicolas Arnould aux Rencontres jeune public de Huy. Production du Théâtre de l'E.V.N.I
du Théâtre de l'E.V.N.I.
Chorégraphie de Caroline Cornélis, Stoel par la compagnie Nyash propose aux enfants une danse aérienne et ludique, originale et construite, en osmose avec la création musicale de Claire Goldfarb et Arne Van Dongen dont les notes contemporaines et harmonieuses tissent la toile de fond dune relation à deux, entre sourires, interjections, jeux de pouvoir ou de soumission. Une manière aussi de se retrouver dans l'espace.
En duo ou solo, la danse s’invite, terre d’expression pour Miko Shimura, sauvagement gracile, et pour Colin Jolet qui, humble sourire en coin, se révèle et s’ouvre avant de s’unir à sa partenaire pour un échange en miroir, synchro et enivrant. Exercice périlleux, la danse contemporaine pour enfants frôle souvent l’ennui ou l’excès. La voici pure et légère, narrative et complice, élégante et drôle, vivante et réjouissante.
Un projet d'une grande originalité qui a retenu toutes les attentions et qui prouve combien la chorégraphe Caroline Cornélis a raison de creuser son sillon. C'est fou ce qu'elle a pu faire dire aux chaises des narrateurs peu ordinaires, mais aussi et surtout à ses deux danseurs. L.B
Stoel, mise en scène de Caroline Cornélis. Création aux Rencontres théâtre jeune public 2016. Une production de la Compagnie Nyash.
Du 11 au 14 octobre au Jacques Franck puis à Wolubilis. Tournée 2016-2017 en France et en Belgique.
de la Nyash Compagnie
Tous les garçons et les filles de son âge. Anna ne veut pas choisir. Elle veut pouvoir tomber amoureuse des uns ou des autres. Peu traitée au théâtre, la bisexualité est au cœur de La Théorie du Y , pièce idoine pour les ados et leurs hormones déboussolées.
Enlevée, ludique, généreuse, cette Théorie du Y s’avère, malgré son titre, plus pragmatique que théorique puisque puisée dans le vécu de son auteure. Jeune artiste à peine sortie de l’IAD, Caroline Taillet s’est inspirée de son histoire pour raconter Anna, au fil de l’enfance, mais surtout au seuil de l’âge adulte, à l’heure où il faut faire un choix. La pièce croque la vie d’Anna, à 9 ans d’abord, assimilant les conventions dictées par Papa, Maman et la société. Puis, à 13 ans, quand les premiers amoureux perturbent la vie jusqu’ici si simple de la cour de récré. Ensuite viennent les premières soirées, avec pétards et alcool pour se désinhiber. Et enfin, le grand saut ! Premier petit copain, grand amour, déception, tromperie : la vie pousse finalement Anna dans les bras d’une fille. La rencontre est belle mais là encore, elle refuse de choisir. Le plus soufflant reste le jeu de comédiens caméléons, encaissant à toute allure une vingtaine de personnages, et autant de points de vue sur les préjugés et les incompréhensions, y compris chez les plus jeunes, que suscite cette ambivalence. C.M.
La Théorie du Y, écrit et mis en scène par Caroline Taillet, interprété par Violette de Leu de Cecil, Léone François Janssens, Colin Javaux et Emilien Vekemans , création au Théâtre de Poche, Bruxelles.
de Caroline Taillet