Bien enveloppée dans son pull over, sa parka kaki, son jean, ses boots, ses beaux et longs cheveux noirs, Emilie Maréchal, alias Estelle, raconte ses premières expériences porno, ses premières heures d'addiction, l'engrenage, les désillusions, le chemin de croix, la totale destruction, l'inacceptable réalité, l'implacable et omnipotente loi de l'offre et la demande. La demande ? Vous, nous, eux, les spectateurs assis dans la salle, prêts peut-être, à se connecter à youporn en rentrant chez eux pour tromper leur solitude ou leur compagne endormie, pour rebooster la sexualité endolorie de leur trop vieux couple, pour éjaculer leur mal-être et le malaise du monde.
Il en faut du talent pour aborder sans choquer un sujet aussi choquant, pour dénoncer sans militer, l'inacceptable imposé aux femmes. Du haut de sa jeunesse, de sa verve et de sa révolte, Emilie Maréchal est tout simplement épatante dans ce rôle oh combien difficile.
Tout en nuances, bouderies, gravité, vérité et surtout, élégance, un véritable défi pour une performance de cette veine-là, elle relève le gant haut la main. Et si les mots « «éjaculation,sperme, saignements, déchirures, trio de bites pour un seul trou » défilent, jamais elle ne les massacre dans cette nécessaire, voire indispensable et étonnamment délicate Plainte contre X. L.B.
Plainte contre X, de Karin Bernfeld. Mise en scène Alexandre Drouet. Création au Théâtre de Poche. Coproduction projet Cryotopsie.
dans Plainte contre X
Une gamine enlevée par un dragon et sauvée par Gilles de Chin. Folklore local, au départ, cette rivalité d’un village, Wasmes avec la ville de Mons. «Le Doudou de Mons, affirme Laura Fautré, c’est pas juste…puisque l’origine c’est Wasmes». Laura n’est pas boraine mais a mené l’enquête, écrit et interprété le rôle, à la demande et avec l’aide de Lorent Wanson. Ma Pucelette est une réussite globale.
Wasmes, au départ, mais pour questionner la Belgique… et le monde. Chaque année, à la Pentecôte, une petite fille de 4 ans arpente les rues du village, devient «reine d’un jour», avec des bisous à la foule comme autant de porte-bonheur. Derrière ce culte ancien pour l’enfance innocente quoi d’actuel ? Une petite fille, elle y comprend et en retient quoi ? L’art de Laura ? Se mettre dans la peau de cette gamine et nous faire réfléchir. Est-ce une «mini-miss», poussée par ses parents entrés dans un circuit commercial ? Et quel rapport entre ce «dragon» ancien et les grands méchants loups contemporains, dont Dutroux est le prototype actuel ? Aidée par Lorent Wanson, Laura Fautré par son texte et, en scène, par son naturel, son intelligence et ses jolies métamorphoses nous «emballe» en douceur.
A 25 ans, cette diplômée du Conservatoire de Mons a déjà joué dans La jeune fille folle de son âme de Maeterlinck, mise en scène de de Michael Delaunoy et Les Bas Fonds de Gorki, vus par Lorent Wanson. Elle figurera en 2017 au programme du National et du Festival de Liège («Factory») dans «Tabula Rasa», mise en scène de Violette Pallaro. Un vrai «espoir». C.J
Ma pucelette de et par Laura Fautré, dans le cadre de «Une aube boraine» proposée par Lorent Wanson pour Mons 2015.
dans Ma pucelette
Venue régler la vie des autres, c'est la sienne qu'elle tente de combler. Le port haut et l'aspect bourgeois, Blanche Du Bois déteint dans cet environnement ouvrier. Au fur et à mesure, la peinture s'écaille et le personnage s'effrite. À la sortie de la représentation d' Un tramway nommé désir, la salle semblait unanime : l'interprète de Blanche était parfaite. Stephen Shank semblait avoir trouvé en Audrey D'Hulstère sa Vivien Leigh (qui avait tenu le rôle dans le film d'Elia Kazan), avec davantage encore de finesse. Jouer une folle n'est pas simple et la jeune comédienne parvient pendant plus deux heures à déstabiliser le spectateur, en évitant l'hystérie d'un personnage coincé dans la moiteur de la Nouvelle-Orléans. Sur le fil de la rationalité, elle maîtrise jusqu’au bout son rôle de désaxée. Difficile dès lors de ne pas tomber sous le charme. Audrey D'Hulstère est loin d'être à ses premières planches. La diplômée du Conservatoire de Liège a joué au sortir de l'école sous la direction de Michael Delaunoy et d'Isabelle Pousseur avant de se tourner vers le cinéma et le doublage. Elle n'en avait pas pour autant oublié la scène. Cofondatrice du collectif Alcantarea, à l'origine de cette nouvelle version de la pièce de Williams, nous avions pu déjà la voir dans Katowice-Eldorado ou encore Happy Family . Mais cette saison, elle semble avoir trouvé le rôle qui mérite son talent. N.N.
Un tramway nommé désir, de Tennessee Williams, mise en scène de Stephen Shank, Projet Alcantarea au Théâtre de la Vie.
dans Un tramway nommé désir