Le théâtre belge est jalonné d'autant de découvertes que de fidélités, de parcours entrecroisés. Daniel Lesage, scénographe – familier du théâtre-action et du jeune public –, professeur de scénographie à l'Institut supérieur des Beaux-Arts Saint-Luc de Liège ainsi qu'au Centre d'études théâtrales de l'UCL, a maintes fois travaillé avec Lorent Wanson. On se souvient de la perspective peu à peu démembrée de leur Roi Lear au Parc. Ou, jadis, de son installation sobre et cinglante pour Les Bonnes de Genet. Entre le scénographe et le metteur en scène, c'est l'histoire de deux créativités en quête de forme qui fait sens. le plateau de Lehman Trilogy, ce grand chantier, a été imaginé par Daniel Lesage et Catherine Somers, la très fidèle costumière de Philippe Sireuil, déjà récompensée aux Prix de la Critique en 2007 et qui, parmi nombre de réalisations, avait signé pour le Rideau la scénographie et les costumes d'Intérieur Voix de Delphine Salkin. On découvre ici un fatras sans nom, un bric à brac capharnaümesque qui peu à peu révélera ses évocations, de l'exil au petit commerce, de la haute finance à la guerre, bref, des traces dont se peint l'histoire à mesure qu'elle s'écrit, tant humaine que majuscule. La scénographie, dit Daniel Lesage, c’est créer des espaces pour qu’un public rencontre une œuvre, pour qu’il y ait échange entre les imaginaires des artistes et ceux des spectateurs. Dense est l'imaginaire et puissante la rencontre ici figurée, habitée, transcendée, saluée dans l'épique beauté de l'artisanat, de l'art pauvre, de l'amoncellement et de l'effondrement. M.Ba.
Lehman Trilogy – chapitres de la chute de Stefano Massini, mise en scène de Lorent Wanson au Rideau de Bruxelles. Coproduction Théâtre Épique, Rideau de Bruxelles, Théâtre du Sygne.C’est un peu la fable des «trois petits cochons», revisitée par Claude Schmitz, mais sans l’optimisme de Walt Disney. Trois paumés finissent par dévorer le plus faible car le loup est en eux. Comme notre société qui fait se battre les pauvres, dans un cynisme social généralisé. Une fable politique, sans jugement, brute de décoffrage.
C’est aussi, dans la scénographie de Boris Dambly, un voyage initiatique où on va de prison en prison : un appartement glauque, un château, une caverne primitive à la fois prison et rêve d’Afrique qui finit mal.
C’est surtout une décision de mise en scène, centrée sur la collaboration entre 3 acteurs non professionnels, apportant leur expérience vécue de paumés, cohabitant avec 2 acteurs professionnels. Avec une scénographie étroitement pensée entre Boris Dambly et Claude comme il l’explique sur le blog d’Alternatives Théâtrales: «Quand on imagine une scénographie avec Boris, on se demande toujours comment le vivant va pouvoir s’emparer de ça, comment il va pouvoir dépasser le décor et donner de la vérité à cet espace.». La scéno et le texte initiaux sont donc un squelette auquel de nombreuses improvisations donneront chair.
Mais pas question de naturalisme même si on part d’un appartement crado et qu’on passe par une voiture, volée au plus pauvre, pour aboutir à un… château, filmé, dont les caves feront surgir…une grotte…théâtrale. Apparemment disparate, ce fil conducteur se révèle efficace. Entre réalisme et onirisme, cruauté et drôlerie, théâtre et cinéma, dans «Darius, Stan & Gabriel contre le Monde Méchant » la scéno de Boris Dambly est un des chaînons de ce voyage initiatique dans les arcanes d’un monde méchant. C.J.
Darius, Stan & Gabriel contre le Monde Méchant » de Claude Schmitz, scénographie de Boris Dambly, vu aux Halles de Schaerbeek (producteur délégué).
Coproduction : Comédie de Caen, Compagnies Paradies. Avec le soutien du théâtre Océan-Nord
En 2008 déjà, la scénographe et costumière, Renata Gorka, (d'origine polonaise, formée à l'École supérieure d'Art et d'Architecture Saint-Luc, elle y enseigne depuis 2006) avait été nommée dans cette catégorie notamment pour son travail avec Georges Lini sur « Marcia Hesse » de Fabrice Melquiot.
Récurrente collaboratrice du metteur en scène, elle le retrouvait la saison dernière pour Un conte d'hiver , au Parc. La serre dans laquelle germe la fable est comme un clin d'oeil au Globe de Shakespeare, ses marges s'ouvrant permettent une subtile mise en abyme. Tandis que les accessoires, les masques, les costumes appellent l'enfance, la bestialité, l'usure du quotidien, le grotesque en guise de métaphore visuelle – le tout avec l'appui des images et du son ciselés par Sébastien Fernandez.
Avec Georges Lini encore, au Public cette fois, Renata Gorka imagine un espace blanc, sol et paroi, une page vierge où vont se projeter toutes les images mentales jaillies de l'écriture d'Anja Hilling dans Tristesse animal noir . Un écran pour recueillir l'indicible du chaos. M.Ba.
Un conte d'hiver de Shakespeare, mise en scène de Georges Lini, au Théâtre royal du Parc.
Tristesse animal noir d'Anja Hilling, mise en scène de Georges Lini, au Theâtre Le Public.