Le sol ondule sous les plis et replis d’un grand drap blanc étendu, comme une peau de chagrin. Une lumière rasante révèle des formes singulières. Au ralenti, l'une d'elles émerge du drap, focalisant l’attention, elle éclipse deux autres formes qui apparaissent. Le mouvement s’amorce, les corps se meuvent, au ralenti, seuls, ensemble. La musique emplit la pièce, les corps apparaissent, disparaissent, impriment le mouvement dans la matière textile au sol. Trois interprètes occupent le plateau, deux danseuses et un danseur, issus de deux générations différentes qui n’ont donc pas la même perception de la durée. Marielle Morales accélère la quiétude ou calme la précipitation et joue avec le temps et les corps, avec les rythmes et les mouvements pour nous extraire de la temporalité et brouiller la perception du temps qui passe. Avec grâce et poésie, elle installe une atmosphère visuelle et sonore qui semble à l’abri du mouvement du temps, comme une oasis de quiétude, comme une forme de résistance au rythme effréné que nous impose le monde. D.B.
Rushing Stillness de Marielle Morales en collaboration avec les danseurs, Marielle Morales, Agathe Thevenot, Ares d''Angelo (lors de la création) Marvin Clech (par la suite).
Créé dans le cadre du festival In Movement aux Brigittines à Bruxelles.
(Co)production de la Compagnie Mala Hierba (Fr), du Centre de Développement Chorégraphique de Toulouse Midi-Pyrénées, / de la Fédération Wallonie-Bruxelles (Service de la Danse), des Brigittines, du Théâtre Marni. Avec le soutien de CDC du Val de Marne, La Briqueterie, CDC Lille Roubaix, le Gymnase, TAKT Dommelhof, Mosaico Danza/festival.
de Marielle Morales
Art et science font-ils bon ménage ? Jongler, depuis 30 ans, avec des notes ou des images, comme musicien et cinéaste, côtoyer de grands chorégraphes comme Anne Teresa De Keersmaeker ou Wim Vandekeybus suffit-il à se créer un univers à soi? La réponse est oui si l’on admet que le monde de Thierry De Mey, plus abstrait que celui des deux chorégraphes cités, a une autre «valeur ajoutée».
Le titre apporte un début de réponse: « Simplexity»: Peut-on rendre simple la complexité ? Bien sûr, par la «beauté du geste». Voyons voir, entendons voir comment ce pari est tenu. D’un côté la passion des structures musicales complexes et des mouvements du corps abstraits, «décomposés» sur ordinateur. De l’autre la vie qui émerge du mouvement le plus abstrait s’il est défendu par des corps réels. D’où ce crédo: «Une œuvre d’art naît de la rencontre magique entre une structure, la forme qu’on lui donne, le contenu qu’on lui apporte et l’émotion que ce sens suscite. La structure doit être débordée par la vie». Sur le plateau nu, 5 musiciens du magique Ensemble Intercontemporain accompagnent l’imagination corporelle de 5 danseurs au charme fou, alternant solos, duos et tutti. Les moments de grâce viennent parfois de l’affrontement direct entre une clarinette et un soliste, un vibraphone et deux danseurs, ou des percussions à 10. Moment d’humour aussi des musiciens dansant avec les bras un petit ballet bien pulsé. L’émotion dépasse souvent la structure. Le but est atteint. Et on salue le culot d’un créateur transdisciplinaire de 60 ans condensant en une chorégraphie 30 ans d’abstraction passionnée. C.J.
Simplexity. La beauté du geste» de Thierry De Mey.Créé au Kunstenfestivaldesarts (KFDA), Bruxelles.Production : Charleroi Danses. Coproduction: KFDA, Ensemble Intercontemporain, Ircam, Centre Pompidou, Théâtre de Liège, Ars Musica. Reprises les 25 et 26 novembre aux Ecuries de Charleroi Danses.
de Thierry De Mey
Cette heure heureuse n'est pas que danse et pas que drôle (mais quand même très). Ses artisans l'ont imaginée et forgée de ce qui, au fil des ans, a bâti leur complicité de danseurs, a nourri leur amitié d'hommes, a marqué leurs corps entraînés, puissants et pourtant vieillissants. « Après un parcours qui [les] a vu souvent ensemble pendant une vingtaine d'années, maintenant, à cent ans à deux », Mauro Paccagnella et Alessandro Bernardeschi formulent un langage, des tableaux de tendresse et d'humanité, de fiction et de réalité, de souvenirs et de projections. Le tout partagé d'égal à égal avec le spectateur, « dans ce Happy Hour où, si tu prends l'un, tu as l'autre aussi ». Sans oublier ce qui pimente la plupart des créations de Wooshing Machine : « Dans mes spectacles, dit Mauro, il y a toujours un peu de perruques, de peau, de poils, de distance, d'humour. »
Le 4e volet des « Conti sparsi » ne fait pas exception. La parole y a sa place débridée et cocasse, reflétant le regard, à la fois lucide et plein d'autodérision, du tandem sur ce métier « de sueur, de sang, de poussière, d'illusion, partout – et de coeur, beaucoup beaucoup de coeur ». Cette heure heureuse n'est pas que danse et pas que drôle (mais quand même très), elle se moque joyeusement de la beauté mais la réinvente sans cesse, l'habille ici de Monteverdi, là de Siouxie and the Banshees, elle parle à la peau, à l'esprit et au coeur. M.Ba.
Prochaines représentations au Théâtre des Doms, Avignon, du 7 au 27 juillet.
Happy Hour de et par Mauro Paccagnella et Alessandro Bernardeschi, production de la Cie Wooshing Machine, accueillie entre autres par Tanzhaus Zürich (CH), Volterra Teatro (I), Grand Studio Bruxelles (B), Charleroi Danses (B), Garage 29 (B), D Festival & les Tanneurs (B). Reprises les 31 octobre et 1er novembre aux Ecuries de Charleroi Danses.
de Mauro Paccagnella