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Affaire d'âme

/photos/Affaire_d_Ame.jpgMyriam Saduis a (au moins) deux passions dans sa vie : la psychothérapie et le théâtre. Sortie de l’INSAS en 1990, elle a foulé les planches en tant qu’actrice pendant plusieurs années, puis s’est tournée vers la mise en scène. En parallèle, elle travaille depuis plus de dix ans en milieu psychiatrique. De ses pratiques conjuguées est sorti un spectacle remarquable, accueilli en résidence au Théâtre Océan Nord : Affaire d’âme d’Ingmar Bergman. De son vivant encore, le grand cinéaste, auteur et metteur en scène de théâtre suédois lui avait confié le soin de créer en français à la scène ce texte initialement conçu pour une réalisation de cinéma expérimental. Transformant ce qui était un monologue en duo, elle a mis en scène Florence Hebbelynck et Anne-Sophie de Bueger, toutes deux époustouflantes, dans un spectacle parfaitement maîtrisé, d’une simplicité et d’une évidence qui ouvrent sur les profondeurs de l’être. Grâce également au concours du cinéaste Marian Handwerker, du compositeur Jean-Luc Plouvier et du non moins talentueux Xavier Lauwers pour les lumières, son « Affaire d’âme » n’a nullement usurpé son titre. Plus qu’une « affaire » – à suivre, on l’espère sincèrement – , c’est un voyage au cœur de l’identité, vers la part de lumière qui luit dans nos ténèbres. (Ph.T.) Un projet de Myriam Saduis au Théâtre Océan Nord. d\'Ingmar Bergman, mise en scène de Myriam Saduis

Greek

/photos/Greek.pngPortons un toast à l’audace virtuose de cette pièce de Steven Berkoff qui met à sac le mythe de Sophocle pour accoucher d’un Œdipe entre grunge et punk, comédie et monstruosité. Son Greek, mis en scène avec une tonicité orgiaque par Guillaume Dumont, transpose l’inceste fameux dans les ruelles de Londres tandis que sévit une peste dévastatrice. Le héros tragique, rebaptisé ici Eddy, surgit sur le plateau, les yeux injectés de sang, un sang qui coulera le long de ses joues telles des larmes pendant les premières minutes d’un spectacle qui prend à l’estomac. Eddy laisse de côté quelques détails du complexe destin de son homologue grec mais l’Anglais, jeune homme de la classe moyenne des années 80, finira tout de même par coucher avec sa mère, tout en portant un regard étonnamment lucide sur les dysfonctionnements de sa famille. François Demoulin incarne cet être arrogant avec puissance, avec lyrisme mais sans jamais tomber dans l’excès. Rarement Albion aura été aussi perfide que dans son langage poétique et virulent, d’une vulgarité viscérale, opulente. Une écriture intense, embaumant aussi bien la grâce que la pourriture, avec ses métaphores divines pour décrire parfois la plus sordide animalité. A cette langue crûe répond le jeu des comédiens, varié, burlesque ou stylisé, ironique ou pathétique, écho de cette chiennerie sociale si bien insinuée par Berkoff. (C.M.) Atelier 210. Mise en scène de Guillaume Dumont, Compagnie Lune et l'autre. de Steven Berkoff, mise en scène de Guillaume Dumont

Mars

/photos/Mars.pngJe suis jeune et riche et cultivé : et je suis malheureux, névrosé et seul (…) Naturellement, j’ai aussi le cancer, ce qui va de soi si l’on en juge d’après ce que je viens de dire. » En portant à la scène le livre culte de Fritz Zorn, paru en 1977, Denis Laujol et son équipe parviennent à rendre toute la force de ce récit tragique, férocement drôle et bouleversant, d’une vie gâchée. Evitant le seul en scène, le spectacle traite le parcours de Zorn comme ce dernier le voyait : une recherche, une réflexion sur une éducation, une maladie, une société. S’éloignant de la destinée individuelle, Denis Laujol fait porter le texte par sept comédiens. Idée à la fois simple et brillante, qui fait ressortir toute l’ironie de l’auteur dans un dispositif privilégiant la légèreté et le plaisir du jeu, à travers sept Fritz Zorn successifs. Assis de part et d’autre du plateau, chacun se lève à son tour pour porter les mots de l’auteur. Chacun aborde un thème différent : la famille, l’université, la sexualité… Chacun le fait avec son style, son tempérament. Vincent Maingain, Sophie Sénécaut, Baptiste Sornin, Yann Frouin, Benoît Piret, Florence Minder et Adriana Da Fonseca s’observent, s’écoutent et se passent le relais, comme dans un jeu de rôle ou une gigantesque thérapie de groupe où toutes les histoires individuelles n’en formeraient plus qu’une, collective. Denis Laujol met tout cela en scène avec une maîtrise remarquable et de vraies trouvailles, percutantes, qui viennent surprendre le spectateur au fil d’une soirée où le rire et la douleur sont constamment liés. (JMW) Un projet de Denis Laujol accueilli en résidence au Théâtre Océan Nord. d\'après Fritz Zorn, mise en scène de Denis Laujol