Qui eût cru que western et théâtre feraient si bien la paire ? Pour Régis Duqué, auteur de l’excellent
« Hors-la-loi », il y a entre eux une filiation évidente et passionnante. Comme le vaudeville avec ses cocus dans le placard et ses portes qui claquent, le western a ses codes bien particuliers, ses cow-boys bourrus, ses rues désertes que traversent des buissons secs, ses portes battantes de saloon, ses duels au soleil couchant, ses demoiselles en détresse. Avec ses silences lourds de sens, son action économe, ses regards qui en disent longs et la densité de ses dialogues,
« Il était une fois dans l’Ouest » n’est-il pas éminent théâtral ? Ce sont ces correspondances qu’interroge la pièce de Régis Duqué, parodie bourrée d’humour décalé.
Stetson sur le crâne et santiags aux pieds, les cinq comédiens convoquent la petite ville tranquille de Bodie. Stéréotypés comme les sept nains de Blanche-Neige, ils vont détourner le genre avec des dialogues et des situations absurdes. Il y a le shérif taciturne, le rebelle sans cause et les demoiselles en détresse : un cadre propret que des petits détails cocasses dans la mise en scène de Jérôme Nayer craquellent joyeusement. Démarche arquée et paupières savamment travaillées à la Clint Eastwood, le shérif (impayable et pince-sans-rire Hervé Piron) dégaine une banane en guise de colt et s’évertue à peler tous les fruits qui lui tombent sous la main. Mis sous verrou, Franck (impeccable Eno Krojanker), la Brute obligée de tout far west, transforme sa chemise en menottes tout-terrain attachées à des barreaux volatiles, la jolie prostituée (la subtile Fanny Hanciaux) philosophe sur la sonorité de la langue tandis que l’insolente institutrice (Yasmine Laasal, véritable bourrasque comique) est une nymphomane combative. Un voyageur idéaliste et puceau (François de Saint-Georges) vient compléter le tableau avec une maladresse charmante.
Loin des grandes plaines de l’Ouest, Bodie est un repère boueux de racailles, à la mine d’or depuis longtemps asséchée. Pour passer le temps, on triche aux échecs, on se défie dans des ping-pongs verbaux surréalistes et on abuse des fouilles corporelles. Lucky Luke, Blueberry, John Wayne nourrissent cet univers déjanté entre exercice de style et chorégraphie de saloon. Cerise sur le gâteau : il n’y a pas que les machos qui sont entreprenants, les demoiselles savent aussi dégainer leurs artifices. Avec un humour fait de petits détails, piquants comme des éperons,
« Hors-la-loi » se révèle hors pair. C.M.
de Régis Duqué