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Huguette Van Dyck

/Huguette_Van_Dyck.jpgA la voir chaque soir derrière le bar de la Samaritaine (la « Sama » pour les intimes), on en oublierait qu’Huguette a un autre chez-soi que cette belle cave du 17e siècle à deux pas de la place du Sablon, où se jouent une trentaine de spectacles par an. La directrice fait tout sous les voûtes de son café-théâtre – la programmation, la paperasse, la billetterie, le bar, le contact avec les artistes et l’accueil du public – mais elle n’y vit pas. C’est dans sa jolie demeure à Schaerbeek qu’Huguette nous a reçu autour d’un thé pour nous parler de cette aventure improbable qui occupe aujourd’hui toute sa vie de septuagénaire. Rien pourtant ne prédestinait ce sacré bout de femme au monde du spectacle. Née pendant la guerre dans une famille modeste, elle travaille à l’usine à 14 ans avant d’enchaîner un tas de petits boulots. Dans les années 70, son destin bifurque une première fois lorsqu’elle rencontre Marcel Kreusch, patron de la Villa Lorraine, grand restaurant bruxellois. Un an après leur rencontre, Marcel Kreusch obtient la troisième étoile au Michelin, la première décernée hors de France dans toute l’histoire du petit guide rouge. Entourée de grands chefs, Huguette se décide à fonder sa propre entreprise, le Grand Cerf, un magasin-traiteur. De fil en aiguille, elle étend son activité et loue un atelier pour faire ses confitures et ses terrines au numéro 22 de la rue de la Samaritaine. En 1984, peu après la mort de Marcel Kreusch, avec qui elle a vécu 14 ans, elle visite par hasard le numéro 16, rue de la Samaritaine. Et là, coup de foudre ! « J’avais passé une année difficile et j’avais besoin d’un nouveau projet pour aller de l’avant. » Ni une ni deux, elle loue cette cave à l’abandon et la retape pour y ouvrir en mai 85 un café-théâtre. « Comme je ne connaissais rien au spectacle, j’ai fait le tour ce qu’on appelait « café-théâtre » à Bruxelles et c’est à la Soupape que j’ai trouvé l’esprit de ce que je voulais faire. Michel, le directeur de la Soupape, m’a conseillé des noms à mettre sur ma scène. Puis, peu à peu, les artistes sont venus spontanément se présenter à moi.. » Capitaine au bar et à la barre de la Samaritaine depuis 23 ans, Huguette a mis à flot des dizaines d’artistes. Claude Semal, Laurence Bibot, Christian Labeau, Bernard Cogniaux ou Marie-Paule Kumps y ont fait leurs débuts. Plus récemment, Itsik Elbaz, Stéphanie Blanchoud, Catherine Decrollier ou Julie Duroisin ont pris leur envol sur ce fabuleux tremplin. « Je ne peux pas payer des cachets énormes. Il y a soixante places et les artistes reçoivent 80 % de la recette. Alors ils font leur publicité eux-mêmes. Souvent, ça fonctionne au bouche à oreille. » Huguette, elle, marche au coup de cœur, donnant sa chance aux textes d’auteurs inconnus ou accueillant des artistes confirmés, qu’elle chérit particulièrement. Toutes les générations se croisent sous ces briques pleines d’histoires, qui n’ont pas fini de nous en faire voir. Comme dit Huguette : « Tant que je peux descendre l’escalier sans canne ça ira, ça ira, ça ira. » C.M.