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Martine Wijckaert

/photos/2014.MartineWijckaert_ElodieJuan.png1974: « Fastes d’Enfer » de Michel de Ghelderode. 2014 : « La Trilogie de l’Enfer » de… Martine Wijckaert. A 40 ans de distance, la metteuse en scène est la même, Martine, avec sa fidélité obsessionnelle à quelques thèmes dont elle est le centre, l’origine, la matrice et la projection imaginaire. Le père, la mère, la fille, l’animalité, la matière, le micro- et le macro-cosme. Fidélité aussi à quelques proches dont Valérie Jung, scénographe et «co-créatrice» de son imaginaire depuis 1984. Dans un très beau numéro d’Alternatives Théâtrales, Martine Wijckaert/Balsa (n° 115, 2012), Martine lui rend cet hommage: «la collaboration avec Valérie Jung…a progressivement conduit à cette espèce de co-dramaturgie plastique de la scène : il sera désormais impossible de cerner où finit son travail et où commence le mien, la frontière entre l’écrit et la plastique s’étant peu à peu évaporée ». Fidélité à certaines actrices, dont Yvette Poirier, présente depuis 30 ans : « Juliette » dans «  Romeo et Juliette  », d’après Shakespeare (1986) mère dans la Trilogie de l’Enfer (2014). Ou, plus récemment, Véronique Dumont, un de ses «doubles» mémorables, dans ses deux trilogies, Table des Matières et La Trilogie de l’Enfer. Fidélité à elle-même surtout, esprit nomade et pensée radicale. Nomade, elle a erré de lieu en lieu, dans les années 70, au sortir de l’Insas, avant de jeter l’ancre dans la caserne/friche Dailly. Les multiples perspectives de ces ruines à ciel presque ouvert permettaient les nombreuses errances de son imaginaire. Là est née la fameuse Pilule Verte, d’après Witkiewicz, œuvre culte, premier exercice de révolte radicale. A partir d’un refus de subvention d’un de ses spectacles elle en imagine un nouveau, où deux acteurs, Alexandre von Sivers et Jean-Jacques Moreau racontent jusqu’à l’épuisement la pièce qu’ils ne joueront jamais, tout en se chauffant avec les lames du vrai parquet ! Premier pied de nez à l’autorité politique puisque ce triomphe alimente…les recettes et remplace la subvention refusée! La Balsa devient alors un lieu mythique de «résistance» et de création ouverte aux jeunes. Avec son fameux amphithéâtre, préservé par la restauration de 2001 par l’architecte Francis Metzger. Martine Wijckaert, d’abord directrice du lieu, passe la main à Christian Machiels puis à Monica Gomes et Fabien Dehasseler pour se consacrer à son œuvre d’artiste. Depuis 1993, elle abandonne progressivement toute adaptation de textes de référence hormis une « Mlle Julie » d’après Strindberg et un monumental Shakespeare autour de la figure du père. Elle alterne désormais les «natures mortes» muettes et d’immenses symphonies de mots, parfois enveloppées des notes de Bach, Ligeti, Schubert. Histoire de refaire, de trace en trace, le chemin improbable d’une vie en voie d’effacement. Avec des mots comme autant d’énigmes et une énorme dérision, entre Breughel le concret et Vermeer le symbolique. Et des textes pièges pour des comédiens mis à la torture et ravis de l’être. Sur Table des matières le témoignage lucide et chaleureux de Véronique Dumont: «Elle est dans un univers tellement fou, tellement baroque, qu’il y a des recoins en tous sens, les phrases n’en finissent pas et on ne sait pas de quoi elle parle exactement. Mais elle me fait confiance... me donne ce texte et me dit: «prends-le»...J’ai fini …par devenir, comme elle m’appelle, son ambassadeur. C’est un sacré personnage et c’est important de rencontrer de sacrés personnages !» CJ.