Frie Leysen est d’abord un personnage et une magnifique personne. Flamande et nomade. Ancrée dans sa terre mais avec le regard toujours ailleurs, au-delà. Elle adore se battre pour créer un lieu et le quitter quand elle l’a installé et en a épuisé le charme. Rien qu’en Belgique elle est à la base de la création du prestigieux centre culturel anversois De Singel qu’elle a dirigé de 1980 à 1991. Et puis vite une autre aventure le Kunstenfestivaldesarts, KFDA, à Bruxelles qu’elle dirige de 1994 à 2006. Mal accueilli à ses débuts surtout côté flamand. Quoi ? Valoriser« Brussel »avec de l’argent des deux communautés, avec un budget à hauteur des ambitions internationales dont elle rêve pour Bruxelles ? Révolutionnaire à l’époque, Ça ne s’est pas fait en un jour. Mais « évident » aujourd’hui depuis que Frie et Christophe ont maintenu le flambeau pendant 24 ans .Elle quitte le KFDA en 2006 parce que « tout va bien » et qu’une aventure en crée une autre .Elle a introduit le monde entier au KFDA et le monde entier la demande. Directrice ou consultante en chef d’un festival au Moyen Orient, d’un autre en Corée et de nombreuses institutions en Allemagne (Theater der Welt, Essen, Berliner Festspiele, Get Lost Touring aux Pays-Bas) : chaque fois de courtes périodes de 2 à 4 ans .Frie à la bougeotte et parfois la dent dure notamment vis-à-vis de sa pire expérience, les Wiener Festwochen de Vienne dont elle dirige la programmation théâtre (2014-2015).Dans une interview à Guy Duplat, après avoir reçu le prestigieux Prix Erasmus, elle faisait un bilan intéressant de l’état du théâtre en Europe et réglait quelques comptes
Sur les Wiener Festwoche, dont Christophe Slagmuylder devient directeur artistique en ce mois de septembre :
« Je retrouvais à Vienne cette upper class des festivals de théâtre et les grands théâtres en Europe qui coproduisent entre eux, de manière quasi incestueuse, mais qui ont totalement abandonné leurs responsabilités à l’égard des créateurs nouveaux qui montent ».
Sur la programmation des grands théâtres européens :
Chaque grand théâtre propose la même chose : un mixte de musical, de cabaret, d’une pièce d’avant-garde, etc. Tout y est mis sur le même pied dans le but d’attirer un maximum de gens.
Sur la culture européenne :
La culture européenne peut rester un phare dans le monde et il faut y investir, d’autant que cela ne coûte quasi rien. Mais nous manquons de visionnaires.
Et sa définition de l’artiste critique est presque un autoportrait :
L’artiste doit être intellectuel, critique, mais aussi généreux et il doit embrasser le public, le prendre par la main.. Comme Romeo Castellucci qui touche en nous des zones qu’on ne pensait même pas avoir ! Certes, il secoue le public, ne cherche pas à plaire. Respecter le public n’est pas lui plaire. C‘est comme un ami qui vous dirait toujours que tout est bien. Un acte d’amitié véritable est de parfois lui dire ce qui cloche.
Pas de doute, aux Prix de la critique, la langue de Frie ne sera pas « de bois » Ch. J.
Associer Christophe Slagmuylder à Frie Leysen c'est souligner la belle continuité du Kunstenfestivaldesarts KFDA fondé en 1994 par Frie Leysen et poursuivi par Christophe Slagmuylder qui devait en prendre congé en 2019. Coup de théâtre fin juin : Christophe est nommé à la tête du prestigieux festival printanier viennois les Wiener Festwochen, à partir de septembre. Il quitte donc le KFDA un an plus tôt que prévu.
Les >Wiener Festwochen ont longtemps été incarnées par Luc Bondy, intendant de 2002 à 2013 formant un duo avec Stéphane Lissner directeur musical. Le successeur de Luc Bondy a été de 2014 à 2016 Markus Hinterhäuser, l’actuel directeur du Festival de Salzbourg. Et Frie Leysen, fondatrice du KFDA a dirigé la programmation théâtrale des Wiener Festwochen en 2014-2015. C’est dire si Christophe Slagmuylder s’inscrit dans une très belle lignée internationale.
Né en 1967 à Bruxelles, a étudié l’Histoire de l’Art à l’ULB puis enseigné à La Cambre et agi comme producteur et programmateur de divers théâtres bruxellois avant de rejoindre le KFDA en 2002. En 2007, il succède à Frie Leysen à la tête du »Kunsten ». Dans un cadre d’une structure de festivals européens il invite des figures majeures de la scène internationale comme le Japonais Toshiki Okada, les Brésiliens Bruno Beltrão et Marcelo Evelin, l’Iranien Amir Reza Koohestani, l’Argentin Mariano Pensotti, ou plus récemment, la Cap Verdienne Marlene Monteiro Freitas et le groupe catalan El Conde de Torrefiel. Des artistes plus établis sont associés au festival comme Anne-Teresa De Keersmaeker, Ann Veronica Janssens, Boris Charmatz, Philippe Quesne ou Milo Rau, invité chaque année depuis 2013.
Le Kunstenfestivaldesarts, au fil des années est devenu sous sa direction un espace de plus en plus fluide, poreux et inclusif. L’exigence, dit-il, est notre devise, et guide les choix de notre ligne artistique. Et l’audace de donner aux artistes l’espace nécessaire pour faire, ici ce qu’ils n’osent pas faire ailleurs. Le KFDA est un endroit, ouvert et accueillant, résolument tourné vers la ville. J’ai besoin de son côté « borderline » afin de ne pas me sentir enfermé dans un monde de plus en plus formaté. Nous vivons dans un monde de niches que je rêve de réunir » Ch. J.
Le jury tient à saluer leur travail accompli à la création et à la programmation du Kunstenfestivaldesarts.